L’INTELLIGENCE DU CORPS

Conférence – débat

Présentation des intervenants :


+ Christophe Dejours :
Christophe Dejours est psychiatre, psychanalyste, professeur émérite à l’Université de Paris Nanterre, fondateur de la psychodynamique du travail, directeur scientifique de l’Institut de psychodynamique du travail, auteur de nombreux ouvrages1.

Clinicien, il s’est essentiellement intéressé aux maladies psychosomatiques et aux psychopathologies du travail. Théoricien, ses apports conceptuels sont importants, tant du point de vue de la représentation de l’appareil psychique ( Élaboration de « la troisième topique » ou « topique du clivage » ; « l’inconscient amential » etc), que de celui de la thérapie analytique ( affirmation du sens des « somatisations », refus de la soi-disant « bêtise » du symptôme ; « le choix de la fonction » ; travail sur l’objet de la pulsion de mort, etc) ou encore de celui, méta-théorique, du discours sur la psychanalyse, sur ses techniques et ses finalités (élargir son champ d’étude à la clinique du travail et au rôle de l’intersubjectivité dans la construction du sujet; penser le positionnement de l’analyste vis-à-vis du clivage du patient, etc).

Intellectuel spécifique, Christophe Dejours a acquis une notoriété certaine en s’engageant dans l’espace public pour dénoncer les travers des nouvelles organisations du travail (« le tournant gestionnaire »), nées dans les années 1990, véhiculant d’innombrables normes contraignantes et causes de graves conséquences psychosomatiques chez les travailleurs. Il a notamment développé les concepts de d’« usure mentale » et de « souffrance éthique » au travail, désormais bien connus et efficaces. Cette dénonciation s’accompagne, dans son œuvre, de la promotion du « travail vivant », seul à même de contribuer au « travail de la culture », source du progrès humain.

Philosophe, Christophe Dejours élabore actuellement une « anthropologie de la sublimation », la sublimation étant « le concept grâce auquel la psychanalyse s’efforce de saisir ce que l’âme humaine recèle de meilleur », comme il le précise dans Ce qu’il y a de meilleur en nous, au service d’une éthique oeuvrant à la valorisation de ce qui permet d’« honorer la vie ». Sa thèse fondamentale de « la centralité du travail » dans notre vie s’explique ainsi par le fait que, à ses yeux, « c’est dans le travail ordinaire que le génie du travail est convoqué et c’est par lui qu’il se révèle ». Le « travail vivant », non prescrit, est donc ce par quoi l’humain peut s’accomplir.


1 À son propos, on pourra consulter la page Wikipédia qui lui est consacrée Christophe Dejours — Wikipédia (wikipedia.org), ainsi que les nombreuses interviews dont il a fait l’objet ou les conférences qu’il a prononcées, qui sont facilement accessibles sur le web.

+ André Cognard :

André Cognard est Maître d’aikido, d’armes et d’aikishitaiso, fondateur de l’Académie Autonome d’Aikido Kobayashi Hirokazu, détenteur du titre de Hanshi et membre de l’Ordre du soleil levant au Japon, auteur de nombreux ouvrages 2.

André Cognard voue sa vie, depuis cinquante ans, à la compréhension et à la diffusion,
partout dans le monde, des enseignements de son Maître Kobayashi Hirokazu, qui fut l’un des disciples de Ueshiba Morihei, fondateur de l’aikido, art martial non violent. Tout en inscrivant l’aikido dans la tradition du Budo, O Sensei Ueshiba, a assigné à cet art martial une finalité pacifique et spirituelle, inspirée de sa connaissance et de son expérience des sagesses ou religions asiatiques, notamment du shintoïsme. Moins mystique, Kobayashi Hirokazu a ébauché un langage du corps, dont il a inscrit les linéaments dans son disciple André Cognard, lequel s’emploie à conceptualiser, développer et transmettre ce langage, symbolique et éthique. Pour ce faire, il a adopté le principe de « l’expérience d’abord » : « c’est bien la voie du corps que j’ai suivie et c’est bien la voix du corps qui parle ici », écrit-il dans L’harmonie efficace.

Conformément à l’essence de l’aikido, littéralement la voie de l’énergie et de l’harmonie, Maître Cognard entend former des « guerriers pacifiques », soit des êtres humains capables de répondre à la violence par des moyens techniques et éthiques. Il s’agit, par une pratique longue et réfléchie, de désamorcer les instincts agressifs, pour leur substituer des gestes complexes, esthétiques, respectueux de l’intégrité de chacun. Une telle pratique, loin d’impliquer un dressage du corps, suppose son écoute et son éducation. Sans elle, les réflexes archaïques de domination et de soumission ne peuvent que l’emporter lors de différends. En aikido, il faut ne pas fuir l’attaque ni rester sur la défensive, mais bien prendre l’initiative sans penser ou agir par opposition. Développer sa conscience corporelle est la condition sine qua non du « conflit créateur », c’est-à- dire de la pacification et de l’enrichissement des relations humaines. C’est d’ailleurs la pratique du sabre qui a rendu sensible à Maître Cognard « l’évidence de la prodigieuse intelligence du corps » (Le corps philosophe).


2 À son propos, on pourra consulter la page Wikipédia qui lui est consacrée, André Cognard — Wikipédia (wikipedia.org), ainsi que le site de 3AKH ou encore le portrait que Simone Chierchini en dresse dans son récent ouvrage intitulé Le philosophe.

La pratique de l’aikido acquiert donc pleinement son sens grâce à la libération de l’être par le corps, laquelle s’appuie sur l’aikishintaiso, littéralement la gymnastique du développement de l’harmonie de l’énergie et de l’esprit. Maître Cognard a ainsi fondé un Institut d’aikishintaiso, dans lequel les étudiants reçoivent un enseignement théorique, offrant des savoirs en anatomie, physiologie, embryologie, psychologie etc, ainsi qu’un enseignement pratique, passant par l’expérience de postures, qui leur offrent des leviers efficaces de connaissance et d’éveil de leur corps. Le corps y apparaît comme un palimpseste, porteur de nombreuses mémoires et de traces traumatiques, qu’il s’agit de déchiffrer, afin de gagner en liberté. Découvrir, respecter et faciliter l’écoulement de l’énergie vitale, voilà qui permet de comprendre en quoi le corps est la conscience qui se cherche. C’est pourquoi Maître Cognard écrit, dans Le corps philosophe : « Après avoir affirmé : « Le corps est conscient », je dis : « Le corps est philosophe » ».

Présentation de la soirée :
Le Professeur Dejours et Maître Cognard, forts d’une longue expérience et riches d’une œuvre profonde et originale, viendront donc nous faire part de l’état actuel de leurs recherches sur le corps, à Lyon ( La Maison Ravier, 7 rue Ravier, 69007 Lyon ; Accès TCL : Arrêt Jean Jaurès – Métro B), le vendredi 22 septembre à 20h.

À cette occasion, ils traiteront de «
L’intelligence du corps », notion qui ne manque pas d’intérêt philosophique, ni de présupposés théoriques, d’implications pratiques, ou d’aspects polémiques.

À tour de rôle, ces deux chercheurs présenteront un exposé sur ce thème, avant de débattre
ensemble de leurs points de vue et de répondre aux questions du public.

Voilà qui promet d’être passionnant.


Pour l’Académie Autonome d’Aikido Kobayashi Hirokazu,


Denis Guillec